Nous sommes des humains, il est normal de « rêver » nos enfants. Nous les imaginons « bébé », « jeune enfant », « ado »,… Que fera-t-il quand il sera grand ? Comment sera-t-il ?
Et parfois, nous projetons nos attentes « j’aimerais que ma fille ne souffre pas comme j’ai souffert », « j’espère qu’il fera de grandes études »…
Et d’autre fois, cela va plus loin : nous « formulons » des demandes à nos enfants. Nous leur demandons, consciemment ou non, de faire quelque chose pour nous. C’est ce que l’on appelle « les mandats de conception ». Cela peut sembler anodin, mais ces dynamiques peuvent avoir des conséquences importantes sur l’épanouissement de l’enfant, ainsi que sur la relation parent-enfant et le quotidien de toute la famille !
Dans cet article, nous allons explorer ce qu’est un mandat de conception, ses conséquences possibles, et comment aborder ces situations avec bienveillance et responsabilité. Rassurez-vous, il ne s’agit pas de culpabiliser, mais bien de mieux comprendre pour avancer ensemble, en équipe.
Le mandat de conception : qu’est-ce que c’est ?
Un mandat de conception est mis en place lorsque, consciemment ou inconsciemment, un parent attribue à son enfant une mission à remplir : prendre soin d’un besoin de ses parents. Cela peut se manifester de différentes manières : sauver la relation conjugale, combler un vide affectif, ou encore réparer une blessure familiale.
Exemples courants de mandats de conception
- Vous dites à votre enfant : « Tu es mon rayon de soleil, je ne pourrais pas vivre sans toi. » Cela peut inconsciemment transmettre l’idée que l’enfant a la responsabilité de maintenir le bonheur (et la vie) de sa mère.
- « Ce deuxième enfant sera le pilier de la famille qui manquait », comme une table a besoin de quatre pieds pour tenir debout. L’enfant peut se dire « Sans moi, la famille s’écroule ».
- « Ce bébé va guérir la perte de mon premier bébé ».
Demande consciente ou inconsciente ?
Cette demande peut être faite à tous les niveaux de conscience :
- Vous pouvez être consciente de demander quelque chose à votre enfant, comme lui demander de donner un sens à votre vie par exemple (sans forcément avoir conscience des conséquences) ;
- Vous pouvez ne pas être consciente du tout de cette demande
Répondre à un besoin
Un mandat n’a pas pour but de faire du mal à son enfant. Il a vocation (en tout cas, c’est ce que l’on pense) à combler un besoin qui n’est pas assouvi chez nous, parent. Il répond à une blessure non guérie.
Par exemple, si vous portez une profonde blessure de rejet, vous pourriez demander à votre enfant (consciemment ou non) de prendre soin de vous ; Si vous vous sentez vide, vous pourriez demander à votre bébé de combler ce vide.
Les conséquences des mandats de conception sur l’enfant
Mandat accepté !
Il est important de comprendre qu’un mandat est comme un contrat et donc qu’il y a deux parties : celui qui mandate (le parent) et celui qui est mandaté (l’enfant). Mais le mandaté a le choix d’accepter ou non ce contrat !
S’il refuse le contrat, il ne veut pas répondre à la demande de son parent, soit il assume son choix et c’est ok, soit il ne l’assume pas totalement et cela peut amener une culpabilité inconfortable ;
S’il accepte le contrat, il prend un poids sur ses épaules qui risque fort d’être très inconfortable car le type de mission confiée est irréalisable. Il est impossible de guérir son parent. La seule personne en capacité de se guérir est soi-même.
Conséquences émotionnelles
Comme évoqué, l’enfant mandaté peut ressentir une pression à être à la hauteur des attentes implicites de son parent. Cela peut entraîner :
- Un sentiment de responsabilité disproportionné vis-à-vis de la famille.
- Une peur de décevoir ou de ne pas être suffisant.
- Une tendance à s’oublier pour privilégier les besoins des autres.
- De la colère de ne pas réussir
- De l’angoisse de ne pas savoir quoi faire, comment faire
Conséquences comportementales
Un mandat peut être la cause de :
- Troubles du sommeil
- Difficultés à se séparer
- Crises de colère, frustration, rébellion
- Troubles alimentaires
- Difficultés relationnelles
- Mal être
- Repli sur soi
- Chercher à aider / sauver tout le monde
- Etc.
Un exemple marquant
Je pense ici à une cliente d’une cinquantaine d’années venue pour des angoisses très fortes, une sensation de vide, le besoin de prendre soin des autres au détriment de soi. Elle me dit qu’elle a toujours eu le sentiment qu’elle avait été conçue pour "réparer" sa mère.
Premièrement, sa mère étant décédée, elle n’a plus de « raison d’être » ; et deuxièmement, cette mission étant absolument impossible à réaliser (elle n’aurait jamais pu réparer sa mère), elle est face à beaucoup de frustration, de colère, et de culpabilité. Elle a dû travailler sur ces blessures pour retrouver un sens à sa vie, pour elle et redonner, symboliquement, à sa mère ce qui ne lui appartenait pas.
Guérir et transformer ensemble
Il est important de rappeler que ces dynamiques ne sont jamais mises en place de manière malveillante. Elles résultent souvent d’une histoire familiale, de blessures non résolues, ou de schémas transmis de génération en génération. Mais surtout, elles reflètent un scénario que maman et enfant ont choisi ensemble à un niveau profond pour expérimenter, apprendre et grandir.
Accepter sans culpabiliser
Prendre conscience d’un mandat de conception peut être déstabilisant et on peut vite se taper de dessus en mode « mais comment j’ai pu demander ça à mon bébé !? ». Culpabiliser n’aidera pas le processus. Voyez-le plutôt comme une opportunité de transformation. En reconnaissant ces dynamiques, vous pouvez ouvrir la voie à une belle libération pour votre enfant et pour vous.
Reconnaître un mandat de conception
Pour reconnaître un mandat, vous pouvez vous poser ces questions :
- Avez-vous l’impression d’avoir demandé (vous ou le co-parent) à votre enfant de faire quelque chose pour vous ? de guérir quelque chose en vous ?
- Est-ce que vous vous êtes déjà dit « le jour où j’aurais un enfant, je me sentirais mieux ? ». Si oui, mettez des mots plus précis sur le « mieux » : rassurée, en paix, libérée, remplie…
- Y a-t-il des blessures non résolues en vous que vous espérez voir guéries à travers la maternité ?
- Avez-vous l’impression que parfois votre enfant cherche à vous protéger, rassurer ?
Besoin d’aide pour identifier ce mandat ?
Rompre le contrat
Une fois identifié, il faut rompre le contrat :
1/ premièrement, en expliquant ce mandat à votre enfant, lui expliquer que ce besoin vous appartient et que vous réalisez aujourd’hui que ce n’était pas juste de lui demander d’en prendre soin. Car le rôle d’un enfant est juste d’être un enfant : de grandir, jouer, apprendre, dormir, manger… Ce n’est pas son rôle de prendre soin des besoins de papa ou maman. Papa et maman prennent soin des besoins de bébé. Ce besoin / cette blessure, c’est à maman / papa de s’en occuper ! Et c’est là que démarre la 2e étape !
2/ Prenez soin de votre blessure, de votre besoin. Vous seule pouvez vous guérir. Tant que votre enfant ressentira cette blessure chez vous, l’apaisement ne sera que partiel pour votre enfant.
Besoin d'être accompagnée ?
Encore une belle opportunité d’aller mieux à deux !
Prendre conscience des mandats de conception, c’est faire un pas vers une parentalité plus consciente et alignée. N’oubliez pas que votre enfant n’attend pas de vous que vous soyez parfaite. Ce qu’il souhaite avant tout, c’est une maman présente, aimante, et engagée dans sa propre évolution.
Alors, avez-vous mandaté votre enfant ? Si oui, considérez cela comme une invitation à explorer, comprendre, et transformer ensemble. Car maman et enfant sont avant tout une équipe, prête à relever les défis de la vie main dans la main.